LES TACTIQUES DES ASSUREURS PRIVÉS – RÉPLIQUE À L’ARTICLE DE LAPRESSE
Bonjour, Mme Fournier. Pour donner suite à votre chronique publiée le samedi 3 mars 2018 « LES SECRETS DE LA NOUVELLE FACTURE DES PHARMACIENS », j’ai trouvé plusieurs points horriblement déformés auxquels j’aimerais apporter quelques précisions pour le public qui vous lit.
Tout d’abord, le titre de votre chronique écrit en lettres majuscules est en contradiction totale avec votre sujet. Depuis les 6 derniers mois, Il n’y a aucun secret pour les patients concernant les factures détaillées puisque la transparence est dévoilée sur leurs factures. Malheureusement pour les intérêts des patients, on ne peut pas dire autant de la transparence des assureurs privés dans leur facturation individuelle, que ce soit sur les primes d’assurance et sur le retour aux clients quant aux montants payés versus les coûts réels. Les pharmaciens sont les seuls professionnels à divulguer la facture détaillée. Il n’existe aucune autre obligation semblable dans les entreprises privées dans le monde. Ce qui est bon pour les pharmaciens devrait sûrement l’être aussi pour les assureurs car vous payez bien la somme de ces intervenants, n’est-ce pas ?
Dernièrement le journal Le Devoir a publié les profits faramineux de Manuvie qui a enregistré un bénéfice net de 1,05 milliard en 2016, en hausse de 45 % par rapport à celui de 723 millions du trimestre correspondant de 2015 et La Presse Affaire a dévoilé en 2017 que parmi les 10 grandes sociétés canadiennes en termes de revenus, trois assureurs privés figurent dans le top 10. C’est un fait, les assureurs sont de plus en plus riches, les bénéfices sont importants et ne font que doubler pour certains grâce aux économies engendrées par des lois mises en place par le gouvernement libéral. On ne peut que constater que le Ministre de la santé favorise indûment les assureurs privés au détriment des patients. Les primes des patients n’ont malheureusement pas diminué malgré les avantages que le Ministre ont permis aux assureurs pour autant, pire encore leurs couvertures ont diminué. Avez-vous remarqué une diminution de vos primes, Mme Fournier malgré une augmentation des bénéfices de votre assureur ? Ne pensez-vous pas que chaque assuré devrait avoir le droit de choisir son assurance santé et de choisir toute assurance qui pourra coûter un prix similaire ou inférieur à l’assurance choisie par son employeur afin que ce dernier soit en mesure de mieux comprendre où la majorité des profits se trouve dans ses dépenses en médicaments. De plus, pour chaque économie de l’assureur, il doit avoir une réduction des primes de l’assuré.
Au final, dans le débat actuel, les grands perdants sont les assurés. Et les gagnants, les assureurs. Des milliardaires qui vont faire encore plus de milliards sur le dos de la population et des PME, c’est quasiment devenu banal. C’est à cela que je répond au Ministre de la santé, qu’au lieu de faire pression sur le pharmacien, comme il le mentionne dans votre chronique, il devrait s’attarder sur la réglementation des assurances privées au Québec ainsi que les 97% autres dépenses en santé. Fait surprenant, à part les assureurs privés, le ministre de la santé, certains journalistes et ceux qui travaillent en faveur des riches corporations, vous êtes les seuls à porter un intérêt sur la facture détaillée contrairement à l’ensemble des Québécois. Mes patients sont indifférents au sujet des détails sur la facture, puisque la facture totale qu’ils payaient d’habitude n’a pas vraiment changé avec l’arrivée de la facture détaillée. De plus, ils accordent aussi beaucoup d’importance à la qualité du service pharmaceutique qu’ils peuvent avoir, ce que vous sous-estimez dans votre article, ainsi qu’à la proximité de leurs pharmaciens. Demandez simplement à un patient : « Pour vous, la consultation que vous venez d’avoir avec le pharmacien vaut combien ? » et vous aurez votre réponse. Combien d’autres professionnels de la santé sont aussi disponibles, de jour comme de soir, tous les jours de la semaine, et offrent des consultations gratuitement ? Cela a également, je crois, de la valeur pour la société. Et ce, sans compter toutes les interventions que nous faisons gratuitement pour nos patients : analyse de dossier, vérification au DSQ pour les tests de laboratoire, consultations des MVL, appels et suivis aux médecins ainsi que tous les actes de communication avec le médecin (refus, opinion, envoi de liste de médicaments à l’urgence, etc.) ne sont pas couverts par l’assureur privé et sont inclus dans l’honoraire au privé alors que pour le régime public à la RAMQ, le pharmacien peut réclamer séparément ces actes. Si nous tenons en compte de ces actes professionnels non rémunérés au privé, l’écart public-privé est plus mince que le chiffre que vous avez divulgué. J’estime que ces honoraires uniques au public, non majorés depuis plusieurs dizaines années, ne sont pas représentatifs de la valeur réelle du service offert par le pharmacien. Celui-ci est même sous-payé. Concernant les honoraires sur un médicament, qui peut dire ce qui couvre réellement le service cognitif fourni par le pharmacien ? À titre d’exemple, j’ai pris le temps d’intervenir hier, dans le dossier d’un patient qui prend plusieurs médicaments, atteint de diabète non contrôlé à qui on venait d’introduire l’insulinothérapie et plusieurs nouveaux médicaments. Suivis d’adhésion, explication sur place des nouveaux traitements, révision de la technique d’utilisation, détecter et analyser les interactions médicamenteuses significatives, calcul et ajustement de dose selon le poids ou la fonction rénale, gestion d’effets secondaires, ajustement du traitement après une communication avec le médecin, suivis subséquents pour la prévention des complications… Temps investi : plusieurs heures au total. Coût facturé, 0 $ (assureur privé). Valeur du service pour le patient et sa famille, inestimable ! Valeur du service pour la société, consultations médicales et visites à l’urgence évitées de 700 $/jour. Il en est de même pour les conseils pour les médicaments en vente libre. Coût : nul. Valeur ? Avons-nous sauvé une visite chez le médecin ? Avons-nous prévenu un mauvais usage de la médication ? Avons-nous mis notre expertise au service du client ? Il est faux de penser que le temps que nous y avons passé est couvert par les quelques dollars de profit faits sur le produit vendu, une fois nos frais fixes couverts.
Ma deuxième intervention, lorsque vous avez comparé le pourcentage de l’honoraire dans le coût du médicament, vous ne semblez pas maîtriser l’ensemble des enjeux. Vous avez oublié, entre autre, de comparer les médicaments dispendieux. Pour votre information, juste pour ne citer qu’un exemple parmi une multitude de médicaments dispendieux, comme Harvoni dont le prix coûtant s’élève à 22 381.07 $ pour 28 cos et pour 8,74 $ d’honoraire à la RAMQ , ce qui représente 0. 04 % de la facture. Pourquoi n’avez-vous pas relevé des exemples grotesques dans votre chronique ? Au delà des honoraires, avez-vous noter que les livraisons des médicaments ne sont pas chargées pour aux patients. Pour les comptes de CSST et de la curatelle de mes patients, il n’est pas rare que le paiement tardent à venir et dont les retards peuvent aller à 2 mois et ce sans frais d’intérêt ni frais de gestion pour ces organismes. Pour votre information, nous attendons une somme d’environ 50 000 $ juste pour les patients de ces deux catégories à ma pharmacie. Connaissez-vous des entreprises qui supportent autant leurs patients ?
Mme Fournier, bien que vous soyez intéressée que sur l’honoraire du pharmacien, sachez que le service pharmaceutique de qualité est tout aussi important. Pour moi, le prix le plus bas est beaucoup trop cher si le prix du médicament n’est pas accompagné d’interventions cliniques pertinentes permettant la surveillance de la thérapie. Choisir un pharmacien qui s’occupera du patient peut aussi faire baisser les coûts des traitements pour les assurances. La gestion des interactions, des effets secondaires et de l’inobservance sont des exemples de tâches incluses dans le soin pharmaceutique ainsi que les interventions servant à optimiser le plan de traitement en collaboration avec les différents prescripteurs et des suivis que cela exige d’effectuer.
De plus, comme pharmacienne qui a à cœur le bien-être de ses patients, je profite par la même occasion pour dénoncer les pratiques dangereuses et abusives des assureurs privés. De plus en plus de patients et professionnels de la santé ont dénoncé certaines situations problématiques, nous avons eu plusieurs chroniques dernièrement. Présentement une des inventions de l’assureur, c’est de jouer au professionnel de la santé et à recommander à ses assurés de demander à leurs médecins de changer de traitement en vue d’opter pour le traitement le mieux couvert et le moins dispendieux. Plusieurs médecins ont remarqué que leur logiciel suggère un autre traitement moins cher lorsqu’ils tentent d’écrire une prescription. Les assureurs s’immiscent à l’intérieur des dossiers médicaux qui sont vendus par des logiciels informatiques. Lorsqu’un médecin a fait un diagnostic et que l’assureur en fait fi, de quel droit peut-il le faire ? Laisser les compagnies d’assurance prendre des décisions de nature médicale ou sur le choix de traitement devrait être considéré comme de la pratique illégale de la médecine et d’un manque d’éthique flagrant. Le choix de couverture d’un médicament au détriment d’un autre est dans ce cas-ci basé sur des choix purement financiers. Le travail du professionnel s’en trouve alourdi par une bureaucratie qui finit par piéger le patient. Trouver le bon traitement pour le patient prend parfois beaucoup de temps pour l’équipe traitante. À ma connaissance, l’assureur ne fait pas partie de l’équipe traitante et le fardeau financier de coûts en consultations médicales et en hospitalisations causés par de tels changements serait alors assumé par le système de santé publique. Débalancer des patients stabilisés avec une médication en les pénalisant financièrement s’ils ne suivent pas les molécules préférées par l’assureur, est-ce raisonnable ? Tous les moyens sont utilisés sur les assurés de l’incitation à changer de pharmacie à l’instauration des excédents. De plus pénaliser un patient en le forçant à se diriger vers une pharmacie ciblée qui est éloignée de chez lui et dont on n’a pas respecté son libre choix éclairé est pour moi une forme flagrante de dirigisme. Les différents acteurs dans le domaine de la santé sont d’accord sur ce point : la présence et l’intervention du pharmacien favorisent une meilleure utilisation de la médication, optimisent les traitements, réduisent les cascades médicamenteuses et évite des hospitalisations. Pourquoi alors ne pas lui offrir davantage de moyens pour améliorer la pharmacothérapie comme le font déjà les autres provinces canadiennes ?
En ce mois de mars, mois de sensibilisation du travail des pharmaciens, encourageons le travail cognitif. Rémunérons les revues de médication comme les autres provinces canadiennes, optimisons la rédaction d’opinions (pourquoi pas un montant pour les opinions simples et un autre, bonifié, pour les complexes ?) et surtout, étendons la couverture par la RAMQ de ces actes aux assurés du privé. Car lorsque ces personnes consultent un médecin ou sont hospitalisées, c’est l’argent public qui est investi.
En terminant, mon conseil de pharmacienne, va humblement à vous, au Ministre de la santé et M. Desgagné, pour les patients, il n’y a pas seulement le prix final qui compte, mais bien les services pharmaceutiques et humains rendus qui ont un effet bénéfique sur leur santé. Contrairement au pharmacien, qui apporte une valeur ajoutée indéniable au continuum de soins aux patients dans le système de santé québécois, l’assureur privé ne contribue en rien aux soins de santé des patients : il n’est là que pour son propre bénéfice et celui de ses actionnaires. Dans votre article, on voit un professeur de l’Université Laval comme Marc Desgagné laisser utiliser son titre de professeur pour essayer de donner de l’appui à ses propos. Par son manque de rigueur et l’absence de compréhension des problématiques des pharmaciens, il n’a jamais par ailleurs jamais pratiqué en communautaire, a fait preuve d’un manque de crédibilité et d’éthique pour l’ensemble des pharmaciens et ses anciens étudiants dont je fais partie. Ce professeur compromet sérieusement le lien de confiance qui peut exister entre le pharmacien et son patient en insinuant que les pharmaciens abusent dans les honoraires qu’ils perçoivent. Il compromet la santé des patients qui seraient tentés de magasiner leurs médicaments dans plusieurs pharmacies différentes ce qui augmenterait drastiquement la complexité dans la gestion des soins pharmaceutiques. Vouloir ramener les honoraires privés au prix du public est un non-sens économique pour les professionnels qui dispensent ces services alors que tous les acteurs s’entendent pour dire que l’honoraire public ne couvre pas les dépenses.
M. Desgagné et le Ministre de la santé savent très bien la pertinence du pharmacien dans notre système de santé, qui figure parmi les premiers au sondage en terme de confiance pour la population mais ils préfèrent tout même viser sur ce groupe de professionnels. Depuis plusieurs mois, le ministre de la Santé et les assureurs privés s’acharnent sur les pharmaciens. Les sommes perçues par les pharmaciens sont au centre de ses préoccupations et les multiples lois, règlements et amendements visent continuellement le coût des services pharmaceutiques, comme s’ils étaient à eux seuls responsables de tous les problèmes du budget alloué à la santé. Or seulement 8 % des dépenses en santé concernent les médicaments, dont 3 % concernent les honoraires pharmaceutiques. Si le ministre a vraiment à cœur le bien être des patients, il s’attarderait sur une loi fixant les coûts des primes d’assurances, des franchises et des coassurances pour les patients car au Québec, les employés et employeurs paient les frais et les primes d’assurance les plus élevés au Canada. Dans les autres provinces, les assureurs privés sont très réglementés, contrairement au Québec. Les assurés doivent avoir le droit de choisir leur assurance. L’étude du CIRANO révèle que, depuis 1997, l’écart s’est creusé entre les primes payées par les assurés et les prestations effectivement versées par les assureurs. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet écart. On note toutefois, pour les contrats collectifs d’assurance maladie qui incluent le volet médicaments, une diminution de 90 % en 1997 à 79 % en 2015.
L’étude invite les assureurs à une plus grande transparence et suggère aussi l’adoption d’un règlement pour préciser les pouvoirs de la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ), afin que cette dernière puisse jouer adéquatement son rôle de surveillance des assureurs et renforcer les pouvoirs qu’elle a déjà cet égard.
On ne parle pas assez de l’acharnement du Ministre sur une profession, des coupures de plus de 1000 postes en pharmacie, de fermetures de pharmacies, des coupures et surcharges de travail et la détresse de plus en plus grande des pharmaciens et des techniciens en communautaires et en hôpitaux. Le Ministre a renié sa propre entente avec les pharmaciens propriétaires et les pharmaciens d’hôpitaux sont toujours en attente du respect de l’entente qu’ils ont signé avec le Ministre. Ce n’est que quelques exemples du traitement et de mépris que Gaétan Barrette a envers les pharmaciens.
Mme Fournier, pour notre intérêt à tous, de connaître les bénéfices de nos assureurs afin de pouvoir avoir une idée éclairée, à savoir si la prime qui nous est chargée est raisonnable ou non, de même que la couverture qui nous est permise. Je vous suggère grandement la suite de vos articles, je vous ai trouvé plusieurs titres, LES SECRETS DE LA FACTURE DES ASSUREURS PRIVÉS mais aussi, il va falloir jeter un œil sur LES ENTENTES SECRÈTES DE GAETAN BARRETTE.
Ceci est une introduction d’un premier chapitre pour démystifier le travail du pharmacien qui trop souvent est sous utilisé dans notre système de santé et qui pourrait être incontestablement la solution pour désengorger le système de santé. Je me fais un devoir d’écrire la suite pour sensibiliser le public et afin de mieux protéger mes patients contre des corporations milliardaires. Je reste disponible pour échanger avec vous en tout temps.
Cordialement,
Thina Nguyen, pharmacienne de cœur et d’action pour ses patients et sa profession.
Directrice générale de la Fédération des Pharmaciens du Québec.
Présidente de l’Association des Pharmaciens vietnamiens du Québec.
Mission de la FPQ : Nous travaillerons ensemble pour valoriser la profession du pharmacien afin d’optimiser les soins offerts aux patients. Nous visons aussi à augmenter la visibilité de l’expert du médicament et favoriserons la collaboration intra et interprofessionnelle afin d’avoir un réel impact sur la santé des Québécois et sur le système de santé.
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