L’assurance médicament en pharmacie – Réponse à l’infolettre de Coalition Santé

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Montréal,
Le 12 août 2018

À l’attention de la CSN, de l’Union des consommateurs et de la Coalition santé 

Lundi matin cette semaine, en ouvrant mon courriel, je suis tombée sur une infolettre de la Coalition santé encourageant leurs membres à diffuser les vignettes concoctées par l’Union des consommateurs pour exiger une assurance médicaments 100% publique.

J’y ai découvert avec stupéfaction les 11 vignettes résumant l’argumentaire. Le courriel reçu contenait une première vignette simpliste comparant l’honoraire professionnel du pharmacien au public et au privé avec la mention : « Payer des honoraires de pharmacien si élevés au privé, c’est inacceptable. »
Personnellement, je pense plutôt que « payer des honoraires de pharmacien si bas au public, c’est inacceptable »; je vous en explique les raisons.

Depuis quelque temps, l’Union des consommateurs, la coalition Santé et la CSN s’unissent pour faire campagne auprès de la population en diffusant du matériel simpliste et peu réaliste quant à certains faits. Dans leurs communications, nous voyons circuler plusieurs fausses croyances et des incompréhensions sur le fonctionnement de la pharmacie et sur les vrais enjeux actuels.

Les messages des vignettes comportent plusieurs mythes destinés à accroître la pression sur les élus et sur les futurs candidats aux élections. Ces organisations prônent l’utilisation stratégique des réseaux sociaux, selon un calendrier de diffusion prédéterminé, en vue d’augmenter l’impact et la visibilité des messages. Leur objectif est d’atteindre les 10 000 lettres envoyées aux députés du Québec avant le déclenchement des élections, soit d’ici le 29 août prochain.

Ces organisations veulent aussi saisir l’occasion d’inciter les gens à répondre au questionnaire du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments d’ici le 28 septembre 2018.

Bref, devant la divulgation de ce courriel, je désire, après une semaine chargée, revenir sur certains messages de ces vignettes, au nom de la Fédération des pharmaciens qui vise à l’optimisation des services et soins aux patients, afin de mettre la lumière sur certaines allégations et défaire des mythes émis par ces 3 organisations.

Le coût des médicaments : 

Tout d’abord, je crois essentiel de rappeler que les médicaments contribuent à seulement 8 % des dépenses en santé, et les honoraires pharmaceutiques en grugent 3 % ! En s’attardant donc à cette infime partie que représentent les honoraires pharmaceutiques, nous négligeons les 97% restants représentant la très grande majorité des dépenses en santé.

Ce n’est pas la solution la plus pertinente et la plus efficace que de montrer du doigt la plus petite partie des dépenses en termes d’économies en santé. Le plus gros fardeau des dépenses ne concerne ni les médicaments ni les honoraires pharmaceutiques !

De plus, les 3 organisations semblent oublier que le coût des médicaments augmente en partie parce que les médecins font plus de prescriptions, notamment en raison du vieillissement de la population.

Honoraire et travail des pharmaciens :

Par ailleurs, les honoraires des pharmaciens ne peuvent être à eux seuls la cause de tous les maux comme semblent insinuer les vignettes. Malheureusement, elles semblent surtout oublier qu’au-delà de son coût, le travail et l’expertise du pharmacien ont une valeur.

Saviez-vous que la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ) verse un honoraire pharmaceutique de 8,40$ par prescription? Trouvez-vous cette rémunération raisonnable ? En réalité, ces honoraires n’ont pas été majorés depuis plusieurs dizaines années et ne sont pas représentatifs de la valeur actuelle du service offert par le pharmacien.

Prenons premièrement le coût du service pour les patients assurés par la RAMQ ; le pharmacien reçoit la même rémunération qu’il s’agisse d’une nouvelle ordonnance ou d’un renouvellement, peu importe la complexité du conseil pharmaceutique associé, le suivi à effectuer, le coût du médicament en inventaire, etc.

Concernant ces honoraires perçus pour la dispensation d’un médicament, que vaut réellement le service cognitif fourni par le pharmacien?
Pour vous, quelle est la valeur de la consultation que vous venez d’avoir avec votre pharmacien ?

Poussons l’analyse un peu plus loin.
Combien d’autres professionnels de la santé sont aussi disponibles, de jour comme de soir, 7 jours sur 7, et acceptent d’offrir des consultations et des conseils gratuitement ? L’expertise et le temps du pharmacien n’ont-ils donc pas de valeur ?

Voici d’autres interventions que les pharmaciens font gratuitement, tous les jours, pour leurs patients : analyses de dossier, vérifications au DSQ pour les résultats de laboratoire et interactions potentielles, consultations pour la prise de médicaments en vente libre, appels et suivis aux médecins, etc. D’autres actes de communication avec le médecin (notamment ; refus, opinions, envois de listes de médicaments à l’urgence, etc.), bien que le pharmacien puisse les réclamer séparément pour les patients couverts par le régime public, ne sont pas couverts par l’assureur privé.

Les assureurs privés :

Il est important de mettre en perspective que les assurances privées ne couvrent pas tous les actes que font les pharmaciens. On peut comparer ça à un prix tout inclus lorsque vous êtes assurés au privé. Cela revient plus cher d’honoraire, mais cela inclut tous les actes non rémunérés au privé.

Si nous tenons compte de ces actes professionnels non rémunérés au privé, l’écart public-privé s’amincit.

Les honoraires au privé sont ajustés selon différents facteurs, dont la complexité des traitements. La vignette mentionne un honoraire de 27$ au privé. Cela n’est pas une réalité pour tous les médicaments. Et bien souvent il est moindre.

Il faut prendre en considération le temps investi par votre pharmacien au total, c’est-à-dire jusqu’à plusieurs heures par dossier du patient. Le coût facturé : 0 $ (assureur privé). La valeur du service pour le patient et sa famille: inestimable! La valeur du service pour la société : des consultations médicales et des visites à l’urgence évitées qui auraient pu grimper jusqu’à 700 $/jour.

Il en est de même pour les conseils donnés au sujet des médicaments en vente libre. Le coût facturé: nul. La valeur? … Avons-nous sauvé une visite chez le médecin ? Avons-nous prévenu un mauvais usage de la médication ? Avons-nous mis notre expertise au service du client ? Il est faux de croire que le temps que nous avons passé avec la personne est remboursé par les quelques dollars de profit réalisés sur le produit vendu, une fois nos frais fixes couverts.

Au-delà des honoraires, avez-vous noté que les livraisons des médicaments à domicile ne sont pas chargées aux patients? Pour les comptes de CSST et de la curatelle de mes patients, il n’est pas rare que le règlement du paiement prenne du temps et les retards peuvent aller jusqu’à 2 mois, et ce, sans frais d’intérêts ni frais de gestion pour ces organismes. Connaissez-vous bien d’autres entreprises qui supportent autant leurs patients?

Bien que ces organisations ne semblent intéressées que par les honoraires du pharmacien, sachez qu’un service pharmaceutique de qualité est tout aussi important. À mes yeux, même le prix le plus bas est beaucoup trop cher si le prix du médicament n’est pas accompagné d’interventions cliniques pertinentes permettant la surveillance de la thérapie.

Modèle de régime d’assurance : 

Réclamer un régime 100% public est compréhensible et le fait que le système permet un inter financement du régime public par le régime privé est injuste! Mais rappelez-vous que les pharmacies sont des employeurs locaux, plus de 41 000 personnes sont des salariés dans les pharmacies. La pharmacie avec tous ses employés, son vaste local à payer et tous les frais afférents, ses équipements informatiques, ses logiciels coûtent des milliers de dollars par année! Alors qu’arrive-t-il avec une baisse des honoraires? Une baisse des revenus des propriétaires? Probablement. Des pertes d’emplois, une surcharge du personnel, des réseaux de distribution moins sécuritaires? Certainement ! Il faut que vous sachiez que la partie publique couvre les personnes âgées et les personnes sans revenus et ceux n’ayant pas accès au régime privé. C’est la partie de la population la plus malade, qui consomme le plus de médicaments. Les autres, plus en santé, qui travaillent sont couverts par des régimes privés et leurs primes annuelles sont parfois 6 fois plus élevées que le maximum de la RAMQ, et la franchise calculée annuellement plutôt que mensuellement. Cet argent cotisé au privé se retrouve dans des multinationales d’assurance qui font des milliards sans créer d’emplois, ni même offrir un service si ce n’est que de redistribuer partiellement l’argent des membres.

Je crois sincèrement que les 3 organisations se trompent de cible en mettant de la pression sur le pharmacien. Les conséquences seront dangereuses pour les services et soins aux patients. Elles devront plutôt s’attarder sur le cas des assureurs privés qui s’enrichissent de plus en plus sur le dos des assurés. On parle de milliards de dollars qui proviennent des poches des gens qui cotisent à ces assurances. Établir un ratio prestation-prime par le biais d’une loi, comme les Américains l’ont fait pour protéger les assurés, serait une des façons de diminuer considérablement les cotisations des contribuables à qui les organisations ont envoyé cette infolettre.

L’étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) révèle que, depuis 1997, l’écart s’est creusé entre les primes payées par les assurés et les prestations effectivement versées par les assureurs. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet écart. On note toutefois, pour les contrats collectifs d’assurance maladie qui incluent le volet médicaments, une diminution de 90% en 1997 à 79% en 2015.
L’étude invite les assureurs à une plus grande transparence et suggère aussi l’adoption d’un règlement pour préciser les pouvoirs de la RAMQ, afin que cette dernière puisse jouer adéquatement son rôle de surveillance des assureurs et renforcer les pouvoirs qu’elle a déjà à cet égard.

Bref, dans le contexte actuel, vouloir ramener les honoraires privés au prix du public est un non-sens économique pour les professionnels qui dispensent ces services alors que tous les acteurs s’entendent pour dire que les honoraires publics ne couvrent pas les dépenses. C’est d’ailleurs ce que défendent les optométristes et les dentistes qui veulent se désaffilier de la RAMQ, car leur honoraire en public est sous-payé.

En terminant cette semaine, LaPresse a publié les résultats de deuxième trimestre Financière Power et fait état du bénéfice net le plus élevé de son histoire, soit 658 millions de dollars, ou 92 cents par action, comparativement à un bénéfice net de 545 millions, ou 76 cents par action, un an plus tôt.

Ces compagnies multimilliardaires ont en effet beaucoup de poids et pour les bénéfices des consommateurs, elles méritent que vous jetiez un coup d’œil!

Qu’en pensez-vous membres de la CSN, de l’Union des consommateurs et de la Coalition santé?

Thina Nguyen, directrice générale de la FPQ
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